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Procès Brétigny: Guillaume Pepy, ému aux larmes, explique la catastrophe par un possible défaut de l'acier
Premier témoin entendu au procès de Brétigny, l'ex-patron de la SNCF Guillaume Pepy a reconnu jeudi une "responsabilité morale infinie" de la SNCF, mais écarté le "vieillissement du réseau" ou la "mauvaise organisation" de la maintenance comme causes de la catastrophe ferroviaire.
M. Pepy a argumenté que l'accident - "unique" dans l'histoire ferroviaire - pouvait s'expliquer par un problème de "caractère métallurgique" et un possible défaut de l'acier, lors d'une audition de plus de trois heures où il est apparu parfois ému aux larmes.
Cette thèse a déjà été écartée par les magistrats instructeurs au cours des sept ans d'enquête, mais sera de nouveau défendue par la SNCF au cours du procès prévu jusqu'au 17 juin.
"Je ne crois pas qu'un contexte du vieillissement du réseau ou d'une traçabilité mal faite, ou d'une mauvaise organisation, soit un arbre des causes robuste et scientifique" pour expliquer le drame qui a fait sept morts et plus de 400 blessés, a déclaré à la barre l'ancien patron de 63 ans, prenant note des questions de la présidente et des avocats sur un calepin.
Le 12 juillet 2013, le retournement d'une éclisse en acier - sorte de grosse agrafe joignant deux rails - avait fait dérailler un train Intercités Paris-Limoges, en gare de Brétigny-sur-Orge (Essonne).
Le tribunal d'Evry juge pendant huit semaines la Société nationale SNCF, SNCF Réseau et un cadre cheminot pour "homicides involontaires" et "blessures involontaires".
M. Pepy, entendu comme témoin a "acquis la conviction que la traçabilité n'était pas bien faite à Brétigny, que l'organisation de la maintenance n'était pas optimale et que la SNCF ne faisait pas bien son travail".
Toutefois, ces "éléments regrettables de contexte" ne constituent pas, à ses yeux, "un arbre de causes véritable", a affirmé l'ancien dirigeant aux cheveux blancs, en costume bleu foncé.
Mais, "quand les pièces s'usent, elles peuvent céder à tout instant", a fait remarquer la présidente de la chambre, Cécile Louis-Loyant. "Cela peut paraître étonnant que la cause de la vétusté vous heurte à ce point, vous fasse douter ?", l'a-t-elle relancé.
"Le vieillissement ne veut pas dire dangerosité du réseau", a répondu M. Pepy, insistant sur la sécurité comme "ADN au quotidien" des cheminots.
- "Etre transparents" -
"Il faut que (le réseau) fasse l'objet de travaux de maintenance pour qu'il reste conforme aux normes", ou "si nous n'avons pas les moyens" de renouveler la voie, "il faut dégrader la performance du réseau" en diminuant par exemple la vitesse du train, poursuit M. Pepy. Pour préserver la sécurité, dans le cas de Brétigny et de la ligne Paris-Limoges, "on a ralenti les trajets de 3 heures à 3h45".
M. Pepy a également été interrogé sur le déroulé de l'enquête, les juges d'instruction ayant déploré des difficultés à recueillir auprès de la SNCF des documents essentiels. Ils avaient aussi regretté que la majorité des agents ait été entendue, avant leurs auditions, par le service juridique de l'entreprise "pour y recevoir des consignes", selon les mots des juges.
L'instruction avait été, par ailleurs, complexifiée par le vol de l'ordinateur du cheminot, ensuite retrouvé avec un disque dur vide - le non-lieu prononcé dans cette affaire est frappé d'appel.
"Au moment de la catastrophe, nous avons dit à toute l'entreprise d'être transparents même si cela allait être douloureux. (...) Je me souviens l'avoir dit et écrit", a répondu M. Pepy. "Jamais il n'a été donné des instructions sur quoi que ce soit, ce serait une bêtise considérable".
L'ancien patron avait montré une implication émue au moment du drame et lancé une campagne nationale de contrôle des appareils de voies.
A la barre, il a reconnu une "responsabilité morale infinie" de la SNCF. Avant d'ajouter: "Je n'ai pas d'opinion sur une responsabilité pénale".
Au début de l'audience, il a tenu à exprimer sa "très profonde compassion et totale solidarité" envers les victimes, dont la "souffrance" est d'une "violence qui ne s'efface pas".
En 2013, une famille d'un défunt avait appris le décès dans la presse. Quand leur avocate interroge jeudi M. Pepy sur le sujet, ce dernier flanche.
Versant quelques larmes, il reprend son souffle: "Cette question, extrêmement douloureuse, ne concerne pas la SNCF mais l'Etat" car "le transporteur" ne peut "pas publier une liste de victimes".
V.F.Barreira--PC