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Athlétisme: Justin Gatlin, le mal-aimé
L'Américain Justin Gatlin, champion olympique en 2004, quadruple médaillé d'or mondial et désormais retraité à 40 ans, a été l'une des grandes figures du sprint durant plus de dix ans, sans parvenir à restaurer une image salie par deux suspensions pour dopage.
Que faut-il comprendre de la trajectoire de cet athlète, ambitieux jusqu'au bout des pointes, arrogant comme les sprinteurs américains peuvent parfois l'être, et revenu au sommet de la hiérarchie mondiale grâce à la clémence de la lutte antidopage ?
En 2001, quand son nom est associé à un contrôle positif, cet enfant de Brooklyn, à New York, n'a pas encore 20 ans. Mais il se dit hyperactif. C'est du moins sa justification à sa consommation d'amphétamines, à des fins thérapeutiques selon lui.
La Fédération internationale se penche sur le cas de cet espoir du 110 m haies et accède à ses arguments: il n'écopera que d'un an de suspension.
Ses foulées peuvent donc continuer à s'allonger à partir de 2002, au point que son allure lui vaudra le surnom de "Guépard".
- Gatlin joue les victimes -
La première carrière de Gatlin est lancée: l'Américain court vite, très vite et va se forger un palmarès long comme le bras.
En 2004, à 22 ans, il devient champion olympique du 100 m. Il voit double l'année suivante avec deux médailles d'or aux Mondiaux d'Helsinki sur 100 et 200 m.
Gatlin poursuit son ascension jusqu'à égaler le record du monde d'alors (9.77) à Doha, au Qatar, le 12 mai 2006.
Mais la supercherie est démasquée: trois mois plus tard, l'Américain annonce avoir été contrôlé positif à la testostérone.
Il adopte alors ce qui reste son leitmotiv, encore aujourd'hui: il n'est en rien fautif, il est victime d'un complot ourdi par son masseur.
L'inflexibilité du sprinteur est troublante, au point que quatre ans plus tard Gatlin déclarera: "Je ne regarde pas en arrière. Coupable ou pas, j'ai tourné la page".
Coupable ou pas, il a en tout cas collaboré avec les instances antidopage, suffisamment pour que sa peine, fixée dans un premier temps à huit ans, soit réduite de moitié.
Sans clémence, il n'y aurait pas d'histoire Gatlin.
Lui s'engouffre dans la brèche après un sporadique passage au football américain. La deuxième carrière de l'Américain en athlétisme peut donc démarrer à l'été 2010.
- The show must go on -
Elle a pour constante "le show". Pas de repentance, pas d'excuse. Mais du spectacle, car "c'est ça que veulent les gens", assène-t-il.
"Vous devez bien comprendre que le monde de l'athlétisme ressemble un peu à un feuilleton à l'eau de rose... mais avec des épines", note le sprinteur en 2012. "Des gens m'adorent, d'autres me détestent... Mais tout le monde veut voir de la grande compétition".
En son absence, le Jamaïcain Usain Bolt a tout fait exploser. Le Jamaïcain sera donc son aiguillon, et le phoenix va effectivement renaître de ses cendres.
Champion du monde en salle sur 60 m en 2012, médaillé de bronze quelques mois plus tard du 100 m des JO de Londres, vice-champion du monde de la discipline reine en 2013 puis en 2015, dauphin de Bolt aux JO de Rio, Gatlin réussit le come-back du siècle avec le titre mondial sur 100 m à Londres en 2017, douze ans après celui d'Helsinki.
Dans un stade olympique entièrement acquis à la cause de Bolt, il gâche la dernière course individuelle de la légende du sprint et récolte en retour la bronca du public londonien. Il a toutefois l'élégance de se prosterner aux pieds de "La Foudre", une image qui fera le tour du monde.
En 2019, il est encore présent sur le podium des Mondiaux de Doha (2e) mais rate son ultime pari: se qualifier pour les Jeux Olympiques de Tokyo en 2021. Blessé aux ischio-jambiers, il passe à côté de la finale des sélections américaines et les larmes de couler.
Reste une question en suspens et pourtant essentielle: comment Gatlin a-t-il pu courir aussi vite à 35 ans qu'à l'époque où il se dopait ?
"Je n'ai jamais eu de blessure et je me suis trouvé éloigné du sport pendant quatre ans. Mon corps s'est reposé et se sent comme celui de quelqu'un de 27 ans, plutôt que comme celui d'un sprinteur de 33 ans", avait-il répondu à l'AFP en 2015.
E.Ramalho--PC